Accueil d'une famille syrienne - L'UPM réagit !

La critique sans nuance de la part de responsables politiques est irresponsable et elle représente un sérieux problème, car la confiance du public dans le système judiciaire peut ainsi être involontairement ou délibérément mise à mal.

Conseil consultatif des juges européens
Avis n°18/2015

 « Lors des campagnes électorales, les responsables politiques ne devraient pas user d’arguments simplistes ou démagogiques afin de critiquer le pouvoir judiciaire pour le seul plaisir de la controverse ou afin de détourner l’attention de leurs propres lacunes. Les juges ne devraient pas plus subir d’attaques personnelles. Les responsables politiques ne doivent en aucun cas encourager le non-respect des décisions judiciaires, et encore moins, comme cela s’est produit dans certains Etats, la violence envers les juges. Les pouvoirs exécutif et législatif ont l’obligation de fournir toute protection nécessaire et adéquate si la mission des tribunaux est menacée par des atteintes ou des intimidations dirigées contre les membres du pouvoir judiciaire. La critique sans nuance de la part de responsables politiques est irresponsable et elle représente un sérieux problème, car la confiance du public dans le système judiciaire peut ainsi être involontairement ou délibérément mise à mal. Le pouvoir judiciaire doit alors souligner qu’un tel comportement est autant une attaque contre la Constitution d’un État démocratique qu’une atteinte contre la légitimité d’un autre pouvoir de l’État. De tels comportements vont aussi à l’encontre des normes internationales. »

Conseil consultatif des juges européens

Avis n°18/2015 du 16 octobre 2015

 

 

L’UPM (Union Professionnelle de la Magistrature) s’inquiète vivement de propos tenus par un responsable gouvernemental suite à un arrêt de la cour d’appel de Bruxelles. L’appel fait au pouvoir judiciaire de respecter la volonté d’un ministre (voire d’un gouvernement) plutôt que la loi est totalement inaudible dans un Etat de droit.

Si le pouvoir judiciaire peut entendre que des décisions de justice provoquent parfois de la frustration dans le chef d’une partie au procès, il est inacceptable que cette frustration génère chez un responsable politique de haut rang des propos populistes et électoralistes indignes de la démocratie. Plus encore, la façon dont cette frustration est relayée par le parti de ce haut responsable crée un profond sentiment de malaise chez tous les démocrates.

Les magistrats de pays à régime totalitaire sont habitués à ces (tentatives de) mises au pas par le pouvoir politique. La magistrature belge ne peut entendre ce type de discours et refusera de s’y soumettre.

Est-il nécessaire de rappeler que :

-        les décisions judiciaires s’appliquent à tous, en ce compris à l’Etat belge représenté par ses ministres ?

-        la séparation des pouvoirs interdit aux juges de prononcer des décisions non conformes à la loi, de même qu’elle interdit aux pouvoirs exécutifs et législatifs de s’opposer à l’exécution de décisions de Justice ?

-        l’élaboration la loi est de la compétence du pouvoir législatif mais que la résolution des litiges sur base de cette loi est de la compétence du seul pouvoir judiciaire ?

Un membre du gouvernement insatisfait du contenu d’une loi peut enclencher le processus qui, au terme d’un débat démocratique, permettra le cas échéant de modifier cette loi.

Dans l’attente de cette éventuelle modification, la mission du pouvoir judiciaire est d’appliquer cette loi sous peine de faillir à ses missions et de mettre la démocratie en danger. Et lorsqu’un membre d’un des deux autres pouvoirs lui conteste cette mission, c’est lui qui met alors en péril l’état de droit.

Dans le prolongement, lorsque des membres des autres pouvoirs entendent critiquer publiquement une décision judiciaire, ils doivent faire preuve de respect et préserver la confiance du citoyen à l’égard de notre système judiciaire. Ils ne peuvent remettre en cause la légitimité de celui-ci ni encourager le non-respect de décisions judiciaires.

A défaut, la critique devient une menace pour l’équilibre entre les trois pouvoirs dans notre Etat de Droit.

Il est malheureusement urgent que ces principes élémentaires soient rappelés à tous, en ce compris à l’ensemble de nos responsables politiques.