L'UPM interpelle le CSJ suite aux prises de position de sa présidente


Le communiqué de presse et les propos tenus par Magali Clavie lors de l'émission "Le grand oral" ont suscité un émoi certain.

L'UPM a estimé devoir réagir.

Vincent Macq, Président de l'UPM, a interpellé l'ensemble des membres du CSJ.

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Supérieur de la Justice,

L’Union Professionnelle de la Magistrature souhaite vous faire part de ses plus vives préoccupations suite à certaines positions du Conseil Supérieur de la Justice récemment exprimées par voie de presse.

Dans le souci d’adopter une position constructive, l’UPM n’a pas choisi la voie des médias mais bien la forme du présent courrier.

Deux points des récentes positions du CSJ nous interpellent plus particulièrement.

  1. La liberté de parole des magistrats et associations professionnelles de magistrats

Lors d’un récent communiqué de presse mais également lors de communications directes aux médias, le CSJ semble avoir considéré que le devoir de réserve des magistrats l’emporterait sur leur liberté de parole.

La magistrature a acquis depuis plus de vingt ans le droit de s’exprimer, notamment par le biais des associations professionnelles, sur toutes questions susceptibles d’avoir une incidence sur le fonctionnement de la Justice.

Vous savez par ailleurs que le « Guide pour magistrats – Principes, valeurs et qualités » approuvé par l’AG de votre institution en date du 27 juin 2012 mentionne explicitement que « lorsque la démocratie et les libertés fondamentales sont en péril, la réserve cède devant le droit d’indignation ».

Si le devoir de réserve reste une de nos obligations essentielles, il connaît toutefois des exceptions à propos desquelles nous ne transigerons pas.

La création du Conseil Supérieur de la Justice a été portée par les associations de magistrats. Un de nos espoirs était que ce Conseil, organe sui generis indépendant des trois pouvoirs, contribue à garantir l’indépendance du Pouvoir Judiciaire.

Sauf mauvaise compréhension des messages véhiculés, nous ne pouvons que nous inquiéter de cette dérive qui nous paraît de nature à refuser à la magistrature tout droit à la prise de parole lorsque celle-ci est nécessaire pour préserver l’équilibre démocratique.

  1. Les moyens de la Justice

Il ressort des récentes communications du CSJ (communications par voie de presse, avis et audit) que, dès lors qu’il n’existe pas d’outil de mesure de la charge de travail, rien ne permettrait d’affirmer que la Justice belge manque de moyens.  

Outre le fait que ce discours semble étonnamment calqué sur celui du pouvoir exécutif, cette affirmation est choquante si elle n’est pas précédée d’un constat : celui de l’illégalité de la situation actuelle.

Les cadres de la magistrature sont fixés par la loi. Ce système est une garantie d’indépendance. Il nous paraît étonnant de devoir rappeler ce principe, et pourtant de nombreux acteurs clés semblent l’avoir oublié. Ne pas respecter ces cadres, c’est tout simplement violer la loi.

Autre élément important : la magistrature est demandeuse d’un véritable outil de la charge de travail, pour autant que cet outil ne réduise pas le travail du magistrat à de la production de biens consommables et standardisés.

Une analyse sérieuse et crédible de la charge de travail nécessite une informatique performante, concept qui laisse rêveurs tous les acteurs judiciaires en 2018, malgré les ambitions de « court of the future » de certains.

Tant que cet outil n’existe pas et que la loi n’a pas fait l’objet d’un débat parlementaire, la seule norme existante et acceptable est celle des cadres fixés par cette loi. Ceci semble avoir tout simplement échappé à votre communication qui se borne à prendre acte de l’abandon du concept de cadre.

Dire qu’il est difficile d’affirmer que la Justice est aujourd’hui en sous-effectif est vécu comme une injure par les magistrats et membres du personnel judiciaire qui, dans de nombreux parquets et juridictions de ce pays travaillent à flux très tendu pour tenter de rendre au justiciable le service auquel il a droit, et ce tant bien que mal…

Les cadres qui oscillent dans certains lieux de 70 à 80% sont tout simplement contraires à la loi. Nous espérons qu’en votre qualité, vous pourrez l’entendre et préciser votre communication en ce sens.

Il va de soi que nous demeurons à la disposition de tous les membres du CSJ pour débattre de ces questions  fondamentales 

Copie de la présente est adressée à l’ensemble des membres du CSJ ainsi qu’à l’ensemble des membres de l’UPM.

Veuillez agréer, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Supérieur de la Justice, l’expression de nos sentiments distingués.

  

Pour l’UPM,

  

Vincent MACQ

Président