Budget de la Justice: L'UPM sollicite d'urgence une entrevue avec le ministre de la Justice

Les magistrats et membres du personnel sont légitimement très inquiets des mesures budgétaires annoncées par le Gouvernement. L'UPM sollicite du ministre de la Justice un entretien pour connaître précisément ses intentions et lui faire part de notre vive préoccupation.

                                       
 
                                               Namur, le 3 novembre 2014,
 
 
 
                            Monsieur le Ministre,
 
 
 
         Les implications des différentes réformes de la justice sur les cours et tribunaux et les restrictions budgétaires annoncées par le Gouvernement à court et moyen terme, ne manquent pas de susciter de nombreuses inquiétudes parmi les magistrats de notre pays, et leurs chefs de corps.
 
         Les chiffres aujourd’hui en notre possession mettent en évidence le fait que depuis plusieurs années, les budgets indispensables au fonctionnement de la Justice (au sens strict : fonctionnement des juridictions -en ce compris les greffes et les secrétariats -, tant au niveau du personnel que des moyens structurels) ont été sous-évalués. Un déficit structurel impressionnant pour les dépenses de personnel de l’Ordre judiciaire est ainsi constaté chaque année.
 
En outre, les réformes de l’organisation judiciaire généreront de nouvelles dépenses qui, selon nos informations, n’ont pas été budgétisées et ne seront pas compensées par les économies induites par les réformes.
Il nous semble certain que la justice ne pourra pas fonctionner correctement sans budget structurel suffisant, sans que ne soient payés les experts et traducteurs, sans que ne soient entretenus les bâtiments, sans que le parc informatique ne soit modernisé et sans documentation adéquate mise à disposition des magistrats.
Il nous parait également illusoire de demander au pouvoir judicaire de traiter les dossiers de plus en plus nombreux qui lui sont confiés et de résorber les arriérés judiciaires, tout en réduisant de manière drastique les membres de son personnel et en continuant à ne pas publier les places actuellement vacantes.
 
         La crainte existe que l’ensemble des mesures envisagées soit non seulement très directement dommageable pour les justiciables, mais qu’en outre, elles déstabilisent en profondeur, l’ensemble du système judiciaire et, en corollaire, l’équilibre indispensable entre les trois pouvoirs de toute démocratie.
 
         Le découragement de juristes à embrasser une carrière dans la magistrature apparait non négligeable.
 
Il faut savoir que les prochaines années verront plus que vraisemblablement se confirmer les départs de nombreux magistrats remplissant les conditions d’accès à la pension, dégarnissant ainsi encore un peu plus, les cadres déjà clairsemés des juridictions. Ces magistrats devront être remplacés. Cependant, les réserves de recrutement seront rapidement épuisées (les stagiaires judiciaires francophones ne sont que 22 cette année). En outre, de nombreuses places vacantes ne sont déjà pas pourvues, faute de candidature ou de publication.
 
A cela s’ajoutent les modifications très importantes intervenues sur le plan de la mobilité des magistrats et sur les conditions d’indemnisation de cette mobilité. Il est certain que des conséquences importantes en matière de recrutement en découleront et seront plus criantes dans certains arrondissements. La baisse significative des candidatures enregistrées lors des dernières épreuves du concours du stage constitue sans nul doute un premier indice de la réalité de cette tendance.
 
Enfin, les risques liés aux réformes envisagées quant au régime de pensions, ne peuvent être sous-estimés et génèreront elles aussi très certainement des conséquences négatives, à relativement brève échéance, sur le recrutement des futurs magistrats.
 
Nous constatons en effet que plusieurs dispositions ne tiennent pas compte de la spécificité de la carrière des magistrats, notamment en termes de conditions d’accès :
- A l’heure actuelle, la carrière judiciaire ne peut être ouverte aux lauréats de l’examen d’aptitude qu’après l’âge de
o    29 ans pour une fonction au sein du ministère public (soit 18 ans + 5 ans de formation universitaire obligatoire + expérience professionnelle de 5 ans au moins + 1 an de procédure postulation-nomination)
o    34 ans pour une fonction au siège  (l’expérience professionnelle requise étant portée à 10 ans au moins).
- L’accès au stage judiciaire ne peut théoriquement être envisagé avant l’âge de 25 ans (soit 23 ans (obtention du diplôme en droit) + 1 année de pratique juridique + 1 année pour être lauréat du concours du stage).
Ces conditions d’accès spécifiques à la magistrature, ne permettent donc pas d’envisager des carrières basées sur plus de 40 années d’activité comme le prévoit l’accord de gouvernement.
 
Nous craignons en outre qu’elles aient pour conséquence de décourager les éventuels candidats à la troisième voie d’accès à la magistrature, soit les avocats disposant d’au moins vingt années de barreau souhaitant réorienter leur carrière et présentant un profil particulièrement intéressant.
Enfin, au-delà des économies espérées, ces modifications touchent à la rémunération-même des magistrats puisque, pour ceux-ci, la pension constitue un traitement différé destiné à libérer le magistrat de toute préoccupation matérielle à l’issue comme durant l’exercice de ses fonctions, et, ainsi à prévenir tout risque de corruption.
 
 
         Le Conseil d’Administration de l’UPM souhaite dès lors pouvoir vous rencontrer afin de vous exposer les questions qui se posent et leurs implications concrètes pour les cours et tribunaux.
 
Nous souhaitons qu’une concertation puisse rapidement se mettre en place et prenne en compte, non seulement les aspects financiers des réformes envisagées, mais également leurs répercussions sur le recrutement des futurs magistrats et sur l’après-carrière.
 
 
         Ne doutant pas que vous réserverez une attention toute particulière à cette requête, nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, à l’expression de notre très respectueuse considération.
 
 
 
 
 
                                                        Pour le Conseil d’Administration de l’UPM,
 
 
 
 
                                                        Paule SOMERS,
                                                        Présidente