Journée d'alerte du 20 mars 2015 : le message de Paule SOMERS, présidente de l'UPM

La communication de Paule SOMERS à l'occasion de la Journée d'alerte

 Depuis des années, l’ Union Professionnelle de la Magistrature que je représente aujourd’hui, est convaincue qu’une réforme fondamentale de la Justice est nécessaire pour améliorer son fonctionnement usé et permettre de faire des économies. Mais toute réforme a un coût  et nécessite de nouveaux investissements.

Par ailleurs, la demande de Justice augmente sans cesse et de nouvelles tâches sont imparties aux magistrats.

Le service public de la Justice se dégrade sans cesse et ses dettes s’accumulent d’année en année. L’Union Professionnelle de la Magistrature demande aux citoyens et au parlement de se mobiliser pour réclamer du gouvernement que le pouvoir judiciaire soit doté des moyens humains et matériels indispensables pour lui permettre d’assurer sa mission constitutionnelle et de rendre une justice de qualité.

Car la politique de diminution linéaire du budget de la Justice, décidée par le gouvernement malgré ses obligations internationales, aggravera encore la situation au point de mettre en péril la mise en œuvre de la réforme souhaitée. Les juridictions auront ensuite comme seule autonomie, la responsabilité de gérer la pénurie.                

Les cadres prévus par la loi ne sont pas des objets décoratifs du code judiciaire. Ce sont des garanties données au citoyen par le législateur, pour que le pouvoir judiciaire soit en mesure de fonctionner. Ce sont des garde-fous imposés au pouvoir exécutif, dans un souci d’équilibre des pouvoirs.

Car, une justice qui ne fonctionne plus, est une menace pour la démocratie !

Les places libérées doivent donc impérativement être déclarées vacantes, et le personnel de l’ordre judiciaire comme les magistrats, doivent être nommés. Et si ultérieurement, une enveloppe est confiée aux chefs de corps, elle doit être évaluée et calculée sur base des cadres actuellement fixés par la loi.

Sans cela, et sans refinancement de la Justice, les efforts annoncés par le ministre en vue de rationaliser les processus de travail et de limiter le nombre d’affaires à traiter, ne permettront pas au pouvoir judiciaire remplir ses devoirs constitutionnels et de rendre une justice de qualité, moderne et efficace.

Le justiciable en sera la victime, de même que la société dans son ensemble.

Nous souhaitons tous également une justice rapide. Mais la rapidité ne peut être le seul critère d’efficacité : si les tribunaux ne sont plus en mesure d’être des lieux de paroles, d’écoute et d’expressions des frustrations, c’est par la violence que le citoyen risque de s’exprimer.

Un véritable choix de société est aujourd’hui posé par le gouvernement en décidant de ne préserver la continuité que d’une partie des tâches confiées à la justice.

Faut-il réellement renoncer au service public et privatiser une partie la Justice ?

Faut-il renoncer à une justice pénale performante et indépendante qui soit en mesure d’enquêter en toutes matières, même lorsque les coûts des enquêtes sont importants comme dans les dossiers financiers ou de grande criminalité ? 

Faut-il favoriser une justice pénale qui privilégierait les sanctions administratives, ou le traitement uniquement rapide des causes qui doivent être jugées?

L’Union Professionnelle de la Magistrature a pleinement pris part à la présente manifestation car elle craint qu’ à défaut de réflexion sur ces points et sur les conséquences des économies linéaires imposées par le gouvernement, nous n’aboutissions, comme l’enseigne le professeur Loic Cadiet,  qu’à une « justice expéditive qui n’a de « Justice » que le nom, l’illustration même qu’à force de faire des économies sur la Justice, c’est la justice-même dont on fait, en définitive, l’économie. »

Paule SOMERS

Présidente de l'Union professionnelle de la Magistrature 

 

Source : Paule SOMERS