Le détricotage de la pension des magistrats

L'UPM fait le point sur l'état actuel des négociations en cours en matière de pension de retraite et tire la sonnette d'alarme.

NEWSLETTER N° 11 Septembre 2015 Vous aurez sans doute tous pris connaissance de la note de décembre 2014 que le ministre des Pensions a remise au CCM, résumant les dispositions contenues dans le projet de loi visant à relever l'âge légal de la pension de retraite, les conditions d'accès à la pension de retraite anticipée et l'âge minimum de la pension de survie. Cette note a suscité au sein de l'UPM une très grande inquiétude. Nous avons dès lors décidé de rencontrer le Ministre de la Justice afin de le rendre attentif à la situation toute particulière des magistrats et aux grands changements que ces dispositions sont susceptibles d'engendrer au préjudice des magistrats. Nous avons ensuite pris l'initiative de réunir un groupe de travail regroupant des spécialistes de cette problématique, représentant les associations professionnelles de magistrats tant néerlandophones que francophones. Ces spécialistes de l'UPM, ASM, NVM ,URJPP et M&M sont parvenus à élaborer un texte commun, moins préjudiciable aux magistrats, même s'il ne rencontrait pas toutes nos revendications, mais que le Ministre de la Justice acceptait de défendre auprès du ministre des Pensions, avec les associations après s'être assuré du soutien du Conseil consultatif de la Magistrature. Le texte définitif a été adopté par le CCM le 8 mai 2015. Thierry Werquin, administrateur invité de l'UPM, a eu la gentillesse de nous résumer les lignes de force du texte comme suit : Les dispositions éparses des lois sur les pensions des membres du personnel civil seraient insérées dans le Code judiciaire en vue, d'une part, de créer un corps complet et autonome de règles applicables aux magistrats, distinct de celui régissant la fonction publique générale, compte tenu de la spécificité des missions des membres du pouvoir judiciaire, d'autre part, d'améliorer la lisibilité des normes applicables en vue de permettre à chaque magistrat de connaître sans difficulté l'âge et les conditions à réunir pour prendre sa retraite anticipée. Outre le maintien des dispositions transitoires prévues à l'article 46 de la loi du 15 mai 1984 en ce qui concerne les conditions d'âge et de carrière, le texte des associations prévoit la possibilité de prendre sa retraite, en 2017, en 2018 et en 2019, à l'âge de 62 ans, et même à l'âge de 61 ans s'il était satisfait à des conditions de services admissibles plus élevées. De même, le magistrat répondant, à un moment donné, aux conditions d'âge ou de durée des services prestés qui sont prises en compte pour obtenir, avant l'âge de 63 ans, une pension de retraite, conserve le bénéfice de cet avantage, nonobstant la date ultérieure de prise de cours de sa pension. Pour calculer les années de services admissibles pour prendre une retraite anticipée, le texte prévoit un coefficient de revalorisation différent de celui prévu dans la loi du 15 mai 1984, sans qu'il puisse diminuer après 2019. De plus, sont prises en considération les années d'études, les périodes de service militaire ou civil, de même que les périodes qui entrent en ligne de compte pour le calcul de l'ancienneté pécuniaire prévues à l'article 365, § 2, du Code judiciaire. Ces règles s'appliquent aussi pour les magistrats qui sont mis à la retraite à l'âge légal fixé actuellement à 67 ou à 70 ans ou qui sont reconnus hors d'état de continuer leurs fonctions. En ce qui concerne le calcul de la pension, la loi du 28 décembre 2011 dispose que les magistrats qui, au 1er janvier 2012, n'ont pas atteint l'âge de 55 ans auront droit au tantième de 1/48 à la place de celui de 1/30 pour les services prestés après le 1er janvier 2012 ; il est prévu que cette modification du tantième sera applicable aux magistrats qui, au 1er janvier 2012, soit n'ont pas atteint l'âge de 55 ans, soit n'ont pas 15 années de service dans la magistrature. De plus, le traitement de référence comprend les suppléments et les majorations de traitements mentionnés au Titre III du Livre II du Code judiciaire. Deux mesures d'aménagement de fin de carrière sont proposées : le magistrat qui atteint l'âge de 63 ans a la possibilité de réduire ses prestations d'1/5 avec maintien de ses droits à la pension ; par ailleurs, le magistrat qui prend sa retraite anticipée peut être autorisé par le Roi à exercer à mi-temps la fonction de magistrat, avec réduction proportionnée du montant de sa pension. Après l'âge légal de la retraite, c'est-à-dire après 67 ou 70 ans ou en cas d'infirmité grave et permanente, les magistrats qui bénéficient d'une pension de retraite peuvent la cumuler sans limite avec des revenus provenant d'une activité professionnelle ou autre, sous quelque statut que ce soit. Les règles relatives aux conditions d'octroi d'une pension de survie sont revues en ce qui concerne leur champ d'application ratione personae. Les représentants des associations et du Conseil consultatif de la magistrature, le ministre de la Justice M Geens et son chef de cabinet adjoint M. Dernicourt ,ont été reçus le 14 juillet 2015 par le ministre Bacquelaine et deux membres de son cabinet. La réunion a très vite tourné court. Le ministre Bacquelaine a rejeté le texte sans en analyser les dispositions en se fondant sur l'accord de gouvernement qui entend instaurer avant la fin de la législature un système de pensions à points pour toutes les catégories professionnelles, la suppression des régimes particuliers, la fin des tantièmes privilégiés, l'octroi éventuel de points privilégiés en raison de la pénibilité de certaines fonctions ; à cet effet, un Comité national des pensions a été créé qui doit formuler une proposition de texte. Dès lors, l'idée que les règles en matière de pension puisse être rassemblées dans le Code judiciaire n'a pu être admise par le ministre Bacquelaine. En outre, il n'a pu être question de proposer des amendements au projet de loi déposé à la Chambre le 17 juin 2015, correspondant à la note transmise par le ministre Bacquelaine en décembre 2014, et actuellement en discussion à la Chambre. Par ailleurs, revenir sur des dispositions légales déjà votées a semblé exclu pour le ministre des pensions. L'entretien s'est achevé par la suggestion du ministre Bacquelaine que le Conseil consultatif de la magistrature demande une entrevue avec le président du Comité national des pensions pour exposer les spécificités de notre profession vues sous l'angle de la pénibilité et solliciter une participation aux discussions qui se dérouleront au sein dudit conseil national. Ensuite, un calendrier de discussions pourrait être envisagé avec lui. Depuis, la Chambre a voté le 10 août 2015 la loi visant à relever l'âge légal de la pension de retraite, les conditions d'accès à la pension de retraite anticipée et l'âge minimum de la pension de survie (M.B. 21.08.2015). Le débat sur les conditions auxquelles les magistrats sont autorisés à prendre une pension de retraite anticipée est ainsi clos sans que les demandes des magistrats n'aient été rencontrées. Les nouvelles ne sont donc pas bonnes et il nous semble essentiel que tous les magistrats soient informés de ces changements… L'enjeu futur pour lequel nous devons tous nous mobiliser, concerne le mode de calcul du montant de la pension de retraite, l'objectif du gouvernement étant d'instaurer une pension unique pour tous, ce qui revient pour les magistrats à porter atteinte au statut qui est le leur actuellement. Toutes les suggestions sont les bienvenues.